Les angles morts du pouvoir
Fleurs blanches et rouges dans un vase gris, Nicolas de Staël (1914-1955)
Tous les lieux d’exercice de l’autorité, institutions, entreprises, réseaux sociaux, sont traversés par des lignes de fractures invisibles et mouvantes, résultant de la répartition des rôles et places de pouvoir dans un environnement en constante évolution.
Elles se tapissent dans nos croyances, nos certitudes, nos préférences, nos schémas mentaux. Elles se révèlent dans nos jugements, nos réactions émotionnelles (incompréhension, colère, honte, blâme …). Tout ce qui va sans dire, ce qui va de soi, tout ce qui ne peut être formulé, tous les tabous, rendent invisibles les injustices et les inégalités. Et parce que nous pouvons à tout moment être en situation de pouvoir, chacun de nous risque de les exercer à son insu.
Lorsque nous sommes de l’autre côté de la ligne des pouvoirs, nous les voyons plus facilement, surtout lorsque nous en subissons les conséquences, lorsqu’elles nous ramènent à notre impuissance.
Pour surmonter cela, le collectif dans son ensemble est appelé à rechercher l’équilibre essentiel au déploiement de notre puissance individuelle et collective.
Certains des plus beaux moments d’intelligence collective sont ceux où les processus facilités nourrissent cette recherche de l’équilibre, permettent des prises de conscience de ces angles morts, font sortir de l’ombre ces non-dits, révèlent et transforment ces fractures invisibles. C’est tout un art d’arriver à le faire en douceur, dans le respect de chacun. C’est un des rôles essentiels, délicats et merveilleux de l’accompagnement d’un collectif. Nous sommes reconnaissants à nos accompagnants qui y arrivent, et cherchons dans nos interventions à y parvenir nous-mêmes.
Première publication le 2 juin 2022